(2013) LES KORÈDUGAW : SYMBOLES D’UNE PHILOSOPHIE DE LA VIE AU MALI

Qu’est ce que les « Korèdugaw »

La société d’initiation du Korè, l’une des grandes confréries universelles à l’aire culturelle manding, est en voie de disparition. Partout où le Korè existait, tous les garçons devraient « être tué au Korè », c’est-à-dire vire la « mort symbolique », selon un cycle septennal. Le Korè est le stade ultime d’un véritable cursus éducatif qui visait à construire, au niveau du sujet et du groupe, l’identité masculine et collective.
Par leurs parodies, ils tournent en dérision toutes les figures du savoir et du pouvoir qui lui est associé, mangent indistinctement les nourritures accumulées dans un seul récipient. Ils ont le privilège de se conduire comme des enfants.
Ce n’est pas seulement une occupation frivole : c’est une forme de créativité vitale, qui ne met pas en jeu que du jeu, mais une vision du monde puissant à la source de la pureté de la nature humaine, qui semble des fois corrompue par la culture, d’où l’opposition des pratiques des korèdugaw aux normes sociales.

Texte de présentation : Chab Touré (Philosophe et Critique d’Art)

Ces photographies de Harandane Dicko sur les Kôrêdugaw réussissent à tirer le portrait de cette réalité culturelle populaire dans sa totalité sans tomber dans la représentation réaliste si facile sur un sujet à la photogénie aussi évidente.

Ces images ne disent pas le discours mythique ou mystique sur cette communauté traditionnelle. Ni un récit documentaire anthropologique sur les Koroduga. Elles restituent totalement l’enthousiasme permanent recherché au sein du « fait d’être Kôrêduga », cet enthousiasme usiné par la danse, la mimique et la métaphore dans l’unique soucis de prendre la vie du côté du rire et de la dérision.

Dicko parle à son nom propre. Il parle à son compte personnel. Il parle de l’insolite accessoire comme d’une présence du beau. Il appréhende des postures drôles comme une composition poétique. Il révèle la débauche des couleurs comme une écriture picturale que nous « devons » percevoir.

Ainsi, volontairement, il est question dans ces images d’enthousiasme.

Dans les traits du portrait, il photographie le « non-ordinaire » et la légèreté du regard. Il vise à côté du sujet « Kôrêdugaw » pour mieux photographier l’enthousiasme du personnage « Kôrêdugaw » qui est en « jeu »

Les plans-détails sur les accessoires font apparaître chacun de ceux-ci comme un objet-histoire qui raconte une séquence importante du quotidien social. Derrière, l’apparent fouillis d’objets que nous percevons, Dicko photographie des petits bouts de récits fictifs que les Kôrêdugaw nous livrent dans leur enthousiaste présence parmi nous.

Habitués à voir les parades animées des Kôrêdugaw en fête, nous « re-découvrons » au-delà des joueurs sociaux qu’il sont, des individus naturellement joueurs. Dans l’ambiance de leur environnement, Harandane photographie l’enthousiasme avec lequel le sujet joue à jouer le Kôrêdugaw.



©Harandane Dicko, Série :Les korèdugaw : symboles d’une philosophie de la vie au Mali, Titre : Bintou femme korèduga, Ségou 2013